VISITE GUIDEE #5, BLEU-BLANC-KAPOOR

BLEU-BLANC-KAPOOR, 
Sculptures, peintures, architectures, les œuvres de Kapoor ont investi les jardins de Versailles pour les animer d'un nouveau parcours insolite et réflexif sur leur nature, celle de l'art et vis-versa, le jardin, celle de notre regard également. Versailles recoloré, Versailles revisité, Versailles libéré !

D'ANISH KAPOOR AU BERNIN 
Dorénavant une tradition1, Versailles invite régulièrement la création contemporaine à s'approprier son univers unique. Qu'il serait bien qu'une œuvre reste chaque fois à demeure comme celle célèbre du Bernin trônant dans le Salon de Diane. Du 20 juin au 5 octobre 1665, le cavalier a marqué la belle saison2. Du 09 juin au 1er novembre, c'est un artiste anglais membre de la Royal Academy of Art depuis 1999, Sir Anish Kapoor. D'origine multiethnique, il est surtout multinational au regard de sa présence monumentale dans les plus grandes métropoles mondiales ces 20 dernières années, les plus importants événementiels internationaux tel que les JO de Londres 2012 avec sa Tour Orbit (115 m. de hauteur). Il est dès lors fâcheux la sur-interprétation des guides conférenciers à son sujet autant que l’absence de pédagogie des médiateurs en général : de la source AFP en passant par la presse quotidienne, des petits médiateurs nature-environnement postés aux entournures des installations en passant par les plus grand TO, ignorance et indifférence commente l’événement. Huit visite guidées seulement sont proposées par le Château entre début juillet et fin septembre quand il pourrait en y avoir un minimum d'une par jour. C'est également ça le mécénat messieurs Vinci, Dior et Cie., la culture et son exportation aussi.

DU JEU DE PAUME A CELUI D'ANISH
A la décharge du service de presse, il est dit à juste titre en introduction à la visite, que «toute exposition à Versailles commence par une marche»3. L'expérience d’Émilie Jean,  conférencière de la Rmn, est que celle-ci commence à fortiori par le Jeu de Paume et se termine face à une déclinaison des miroirs d'eaux sur la terrasse: «C-Curve» et «Sky Mirror»4 . Sans forcément prendre en compte ce double-sens de la métamorphose versaillaise, il est obtus de considérer une œuvre de manière isolée de son environnement direct et indirect, sa position dans la carrière de l'artiste comme sa position dans l'espace versaillais. «L’œil crée la perspective, La marche la fait vivre», dit à jamais Le Nôtre. En route donc vers le Jeu de Paume. A l'entrée, face au fameux serment de David terminé par Merson, «Shooting in the Corner»5 est un amas d'obus de cire rouge-sang de bœuf projetées au préalable par un canon dans un angle reconstitué de la salle. La perception sensorielle de l'installation dans son contexte est d'évidence violente; comme un Salon de Mars livré à Jackson Pollock ou Niki de Saint-Phalle; Bailly, la figure centrale de la fresque semble dès lors s'élever sur une montagne de sang. D'habitude en fonctionnement, l’œuvre est arrêté à l'instant de l'ouverture de l'exposition mais aussi des États-Généraux. Il y a de la mise en scène dans ce Jeu de Paume comme il y a en a dans ce Nouveau David. On commence par le début de la fin en imposant le rouge de la terre, de la chair, du vivant dans un lieu  paumé ressuscité.

PASSÉ MARTIN PARR ET RON MUECK6 ...
La traversée de la Cour Royale à suivre pour rejoindre le bosquet de l’Étoile n'est dès lors pas tout à fait pareille même si une œuvre ou un mur pédagogique, un oriflamme ou quelques chemin rouge-anglais manque au parcours. Évoquer la figure d'un autre anglais international dans ce lieu est une idée supportée par le visuel quasi assuré d'un personnage hyperréaliste de Ron Mueck, un artiste consanguin puisqu'australien, entendez, un anglophone en short, un contemporain en goguette. A la porte B, Pavillon Gabriel, un jeune homme en costard adossé au mur, coupé japonais et lunette de soleil, tient d'ailleurs très souvent office d'Apollon au téléphone portable. Passé Martin Parr et Ron Mueck, différents chemins mènent à «Coupe du corps se préparant à une singularité monadique» soit «Sectional Body Preparing for Monadic Singularity». Au beau milieu de la clairière, un cube de PVC* rouge et noir d'une hauteur de 8 mètres environ, percé de sorte de membranes géantes inspirée des formes de Monumenta 2011, ainsi que deux autres orifices clitoridiens, ramène dans cet espace de vert, bleu et blanc, le rouge au centre. L'accès à l'intérieur du cube provoque d'ailleurs rapidement des bouffées de chaleurs picturales, sculpturales, architecturales. Transfiguration, Transparence, Transformation... Toute marche à Versailles est une métamorphose de la perspective. 

DESCENCION - PRODUCTION - ASCENCION  
Ah! Pas de rouge cette fois! Pas de vie avant la vie, juste le chaos! Au fond du vortex, c'est le  chaos, le visage de la méduse. L’œuvre n'est pas placée par hasard au dos de l'accouchement du mythe par le soleil. Le chaos avant la création du monde, c'est bien connu. La production présentée un peu plus loin sur le départ du tapis vert a la forme d'une corne d'abondance géante en acier oxydé partie enfouie dans le sol et bordée de non moins immenses rochers de granit c'est «Dirty Corner» et non le «Vagin de la Reine». L'idée d'abondance pré-classe certes celle de toilette mais celle de digestion ou masturbation intellectuelle, de sexualité ou de désir assouvi est finalement aussi importante que l'obstruction du regard par l'artiste. En replaçant l'art au centre, il replace l'homme au cœur des bosquets comme il se doit. On peut certes regretter le vandalisme perpétré mais aussi l'accès interdit de l’œuvre au public. L'éloignement de l'art des musées doit aussi chercher à rapprocher réellement l’œuvre du public. Sur la terrasse enfin, l’ascension des marches conduit à l'entendement du sublime, l'intériorisation de l'expérience initiatique, le rite du marcheur, le chemin de l'artiste. La perspective inversé du canal surgit peu à peu dans le double miroir céleste en acier inoxydable, «Sky Mirror». L'ensemble du jardin est projeté de manière déformée dans l’œil. La poésie classique des dieux de France en forme de nuage reflétés danas les eaux allégoriques des grands fleuves du royaume est certes déformée mais les «Clouds» d'Anish Kapoor sont les perles baroques des forêts Classiques de Giuseppe Penone. Dommage qu'à travers «C-Curve», n'apparaissent pas en mode inversée la figure des arts et de la nature encadrant le balcon6. 

«ANISH RAVISH» ...
La lecture d'une archive en ligne d'Artscape7 au sujet de Monumenta2011 éclaire formidablement bien la démarche artistique de l'artiste. Le Non-Objet, l’Œuvre-Paysage, la Monochromie, le Sublime, le Corps Originaire et l'Épiderme, l’Écorché et l'Auto-Généré, mais aussi le Vide, la concavité, la Lumière Ectoplasme, l'Entropie, sont en résumé les principales entrées de son oeuvre. Effacement maximal de l'artiste dans la production de l’œuvre issue d'un processus mécanique ou aléatoire, c'est «Shooting in the Corner», un non-objet! L'invalidation de la verbalisation et de l'espace est provoqué par le truchement de la monochromie, du gigantisme, la perte de repère ; c'est le langage intérieur du corps, «Sectional Body Preparing for Monadic Singularity». Les œuvres de Kapoor sont toutes des «lieux de sensations»7, visuelles à minima ; ses installations, des matériaux épidermiques comme l'eau dans «Descencion», tourbillon des origines tourbillon de la vie. Alimenté par un groupe électrogène, le vrombissement sonore de l'alimentation double d'ailleurs l'effet vertigineux de la fontaine-vortex. Le vide échappe par nature à toute matérialité. L'expression polémique du «Vagin de la reine» provient finalement de ce rapport entre le vide de la trompe métallique, pareil à celui de sa version de «L'Origine du Monde, 2004»9 conservée à Kanazawa au Japon et «L'Origine du Monde, 1866», de G. Courbet. Le titre français est conservé à propos. Cette opposition de deux visions-représentations de l'immatériel ou la matérialisation du vide est encore plus amusante si elle est rapportée au médaillon mural du Salon de la Reine laissé sans œuvre. Enfin, l'idée de «Paysage-Objet» est entre toutes, une belle métaphore du domaine, un vrai «concetto»10 plastique mélangeant Sculpture, architecture et peinture: «Versailles Upside-Down». 

Notes :
1 – A. Kapoor est le 8ème artiste contemporain invité à Versailles : Lee Ufan Versailles, 2014 - Penone Versailles, 2013 - Joana Vasconcelos, 2012 - Bernard Venet, 2011 - Takashi Murakami, 2010 - Xavier Veilhan, 2009 - Jeff Koons, 2008-2009. Cf. http://www.chateauversailles-spectacles.fr/spectacles/2015/art-contemporain
2 - Howard Hibbard, Le Bernin, 1965, Ed. Penguin Books - 1984 Macula, p.256
2 - D'Anish Kapoor au Bernin _ Versailles By Numbers #52, 
De tradition, Versailles attire et invite la création contemporaine à s'approprier un univers unique. Qu'il serait bien qu'une œuvre reste chaque fois à demeure comme celle célèbre du Cavalier Bernin trônant dans le Salon de Diane. En 107 jours chrono, Bernin (1598-1680) sculpta le buste de notre roi solaire. Du 20 juin au 5 octobre 1665 précisément. Après un travail d'esquisse sur le vif suivi de miniatures d'argile. Le 14 juillet, Bernin attaqua le marbre, il « avait demandé 20 séances de pose mais n'en obtint finalement que 13 d'une heure et demi chacune environ» En 40 jours, il créa la symbolique d'un grand souverain plus qu'un réplique intimiste. Il termina par les pupilles marquées au charbon avant d'être transformée en ombres. Aux critiques des courtisans sur la liberté prise par l'artiste, Bernin répondit : « Mon roi durera plus longtemps que le vôtre ». Le regard haut et porté au loin, chargé d'une autorité divine », les boucles de sa chevelure tiennent d'Alexandre Le Grand. Louis XIV l'adopta volontiers en réalité et à la différence du Marcus Curtius, ex statue équestre du roi retouchée par Girardon qui arriva seulement 20 ans plus tard à Versailles (1684) bien longtemps après la vague du baroque exubérant. Mort en 1680, son voyage en France est plus qu'anecdotique. Il traduit pour certains le passage symbolique du grand mécénat artistique de l'Italie à la France. Rentré à Rome le 20 octobre, 6 mois après son arrivée (29/04/1665), il trouva la ville en deuil du Poussin mais servit de premier conseiller artistique à l'Académie de France à Rome, établie l'année suivante en 1766. 
3 – Catherine Pégard, Texte de présentation de l'exposition Versailles Kapoor, http://www.chateauversailles-spectacles.fr/jardins
4 -  Cf. Darren Ezekiel, http://www.thesocialpicture.com/mirror-photography/
5 – Cf. 20 Minutes Online - Diaporama Exposition Versailles-Kapoor, Romuald Meigneux-Sipa/: http://www.20minutes.fr/culture/diaporama-8554-anish-kapoor-chateau-versailles
6 – Martin Parr (1952- ….) : Photographe anglais. 
      Ron Mueck : «Ron Mueck, 1958: Sculpteur australien hyperréaliste travaillant en Grande-Bretagne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ron_Mueck). 
7 – Entre guillemets dans le texte « Comprendre l'oeuvvre d'Anish Kapoor, http://www.artscape.fr/anish-kapoor/ (3ème Paragraphe: La peau de l'objet)
8 – Cf. Arrière plan photographie de l'artiste par Silvia Neri, www.artribune.com.
9 –  A. Kapoor, Origin of The World, 2004, Kanazawa, Japon - www.kanazawa21.jp
10 – Concetto: Ensemble expressif où chaque forme tire un sens plus fort de sa combinaison avec les autres. Howard Hibbard, Le Bernin, 1965, Ed. Penguin Books - 1984 Macula, p.104. 
Abréviations : 
* JO, Jeux Olympiques – AFP, Agence Francce Presse – TO, Tour Opérateur - PVC, Polyvinyle Chlorure
Liens : 
- Anish Kapoor, Site Officiel: http://anishkapoor.com/ - Chateau de Versailles Spectacles : http://www.chateauversailles-spectacles.fr/jardins
- Artscape : http://www.artscape.fr/anish-kapoor/ - - Philippe Solers : http://www.pileface.com/sollers//spip.php?article1610 … etc. 

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