VISITE GUIDEE #3, PARIS-PAYSAGE-POUVOIR

PARIS, PAYSAGE, POUVOIR 
OU L'INVENTION DES CHAMPS-ELYSEES
d'Après Jean-Louis MARROU, «Ça vaut l'détour à Paris»
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Depuis le piédestal du faux Bernin de Louis XIV dans la Cour Napoléon, point de vue axial sur une perspective Le Nôtre de 4 km de long, jusqu'à la Grille du Coq, côté jardin présidentiel, Av. Gabriel, l'Invention des Champs-Elysées se repeuplent de personnages, de lieux, d'enjeux, moult traces d'histoires et vice-versa, histoires de traces, la devise de CVLD et son animateur en chef, Jean-Louis Marrou. 
Journaliste à la retraite, JLM propose en plus de son temps précieux _ 5 heures de ballades gratuites et testées au préalable _, l'aisance du langage et la maestria de l'anglage. «La perspective du pouvoir» ou «le pouvoir en perspective» est en effet le postulat de la ballade menant à réfléchir finalement sur la valeur «pouvoir» du paysage urbain. Avanti!

AUTOUR DE L'ARCHE DU CARROUSEL 
Si l'alignement des Champs-Élysées avec la Grande Allée des Tuileries puis l'Arche du Carrousel est une évidence optique, il est amusant de remonter pour la bonne amorce de la ballade à la source du tracé, sur le piédestal du Louis XIV-Marcus Curtius de F.Girardon. Celui du Bernin-1 n'avait pas cette tête angélique et tenait sur un rocher. La sensation visuelle est extraordinaire. Plus en amont encore, la ligne rejoindrait la Salle Basse des fondations du donjon de Philippe-Auguste insinue JLM pour faire le lien avec un autre de ses parcours d'anthologie, «Le roman de la Cours Carré-2 » et le drame de  la façade des colonnes. Enfin, passées les fondations de Charles V, on est à la campagne-3. Les arbres de judée bourgeonnent, l'«Arbre des Voyelles» Pénone-4 Côté jardin du Carroussel, le drame des Tuileries détruit d'ordinaire par les communards est un glissement courant de l'Histoire des événements de la Commune à ses partisans. Le sens des mots ayant autant d'importance que celui des statues, il est troublant de s'interroger sur la direction du quadrige constantinien vers le Levant maintenant que, ni le palais, ni la grille de sa cour d'entrée n'existent plus. Le retour au nom de Pomone du Pavillon Marsant pour correspondre à celui de Flore côté Seine, semble toutefois une idée plus logique. Sur son élévation haute, on perçoit le «R» du blason de la République peu présente au demeurant sur le reste des façades du musée. Un des promeneurs du groupe suggère en s'amusant de réformer les rayons verts anémiés du topiaire de Jacques Wirtz-5 existant par un damier de «R» en buis, sinon de les remplacer par des modèles plastiques phosphorescents. 

A LA FENETRE DES TUILERIES
Placé sur le perron de la Grande Allée, l'ascension au premier étage des Tuileries vaut le panorama  du restaurant 58 à la Tour-Eiffel comme celui du 56ème étage de la Tour Montparnasse. L'effet Le Nôtre d'alignement intercalé de bassin et bosquets étirés vers un invisible après à la façon de tous ses paysages est encore plus majestueux qu'à hauteur d'homme. Depuis l'avant corps du pavillon central, on aperçoit bien en arrière du pavillon Marsant, la chacunière du plus célèbre des jardiniers à l'endroit de la Jeanne d'Arc de Fremiet (1899), Place des Pyramides en somme. André était en effet fils de Jean et petit-fils de Pierre, officiers-jardiniers du roi aux Tuileries et logés à demeure depuis 1572. Sa bonhomie légendaire s'équilibre aujourd'hui mieux avec sa grande érudition mais en demande aussi pour apprécier l'aspect baroque de ses créations paysagères comme la richesse de sa collection léguée au roi. Le jardin renaissance était alors encore enclos dans un mur d'enceinte végétalisé de charmilles et d'ifs. Le Nôtre l'a connecté avec l'élévation de la colline de Chaillot à l'ouest et son étoile forestière. L'adaptation réussie du marronnier en provenance des Balkans et non d'Inde à partir de 1615 lui facilite certes le dessin de l'allée centrale mais la rationalisation de la nature par l'homme n'est pas seulement le fer de lance du classicisme, c'est aussi l'invention du génie civil à la française. Plus loin, vers la Terrasse des Feuillants, on aperçoit le couvent du même nom  ainsi que la Salle du Manège... Un bout de l'Orangerie est aussi visible à l'inverse de sa relocalisation sous Napoléon III (1853) à l'instar de celle du Jeu de Paume actuel (1862). Tout le long de l'actuelle Rivoli, ce sont par contre, les façades des Hôtels Particuliers de la haute noblesse ayant pignon sur la rue St-Honoré et jardins attenants aux Feuillants qui sont invisibles, à l'instar de ceux de l'ambassade des Etats-Unis, du Japon ou d'Angleterre, Fbg. St-Honoré aujourd'hui. 

SUR LA TERRASSE DU JEU DE PAUME
La vue de la terrasse du Jeu de Paume prévaut sur celle de l'Orangerie pour la proximité de l'Hôtel de la Marine mais surtout pour celle à sa droite de l'Hôtel Saint-Florentin. La cour d'honneur donne sur la rue du même nom, la dernière façade de la rue de Rivoli en somme. Une copie conforme existait jadis à l'emplacement de l'ambassade des États-Unis assure JLM tout comme le cahier des charges de la Place Louis XV rédigé par Jacques-Ange Gabriel-6. Aujourd'hui investi par le cabinet d'avocat Jones Day, l'immeuble loué après guerre par la famille Rothschild à l'organisation du Plan Marshall en Europe, devient propriété du gouvernement américain y ayant résidé jusqu'en 2007. A l'origine, le terrain appartenait au grand financier salvateur de Louis XIV, Samuel Bernard (1651-1739) avant d'être acquis par  Louis Phélypeaux, duc de La Vrillière et comte de Saint-Florentin, secrétaire et ministre duracell-7 du roi. Jean-Louis explique grossièrement que l’État tout en dirigeant l’œuvre de façade urbaine de la place et le plan d'urbanisme général des lots alentours, travaille également de concert avec les puissances financières de l'époque s'installant logiquement dans le prolongement de la rue St Honoré: rue Fbg. St-Honoré. La visualisation à suivre de la pétrification du capital, hier et aujourd'hui, est certes partisane mais on ne peut que constater la souillure précoce des copies en béton Bouygues des Chevaux de Marly sculptés par Coustou à l'entrée des Champs, comparée à la blancheur des copies en marbre de Coysevox, à l'entrée des Tuileries. J.Hillairet-8 dixit, c'est que les uns appartenant à la ville, les autres à l’État, ils ne sont jamais nettoyés en même temps. 

A 37 PAS DE LA VILLE DE BREST
«Sur tous les monuments une sauvagerie élémentaire mais tendre a subsisté. Réfugiée au ciel qui reste le plus sensible de cette terre, elle émeut jusqu’au marbre ignorant des heures et des saisons», […] Même par vent presque nul, un souffle d’appareillage s’y fait sentir». In Les Ruines de Paris (1977), © Poésie-Gallimard, 1993, p.10-11-9 ! Un obélisque de la poésie! « […] Place de la Concorde. L’espace devient tout à coup maritime». Par les plages septentrionales, il faut effectivement batailler contre le flot agité de véhicules naufragés sur les travaux d'étanchéification de la ligne 8 du métro, pour rejoindre la ville de Brest, piédestal nord-ouest. En répondant correctement, «Lille» à l'énigme posée par son effigie: «Laquelle des huit cités-10 n'a pas de gloire fluviale ou maritime?», elle semble confirmer en retour, qu'à ses pieds Louis XVI a perdu sa tête dans un panier. Les archives télévisuelles du bicentenaire le 21 janvier 1993 conservée par l'I.N.A montre bien en effet une mer de lys échouées sur la rambarde devant l'Hôtel de Crillon-Al Saoud-11. Elle ajoute qu'elle n'était pas là alors; qu'elle sont les filles de révolution adoptée par Louis-Philippe; que jusqu'en 1852, on défila sous leurs jupons pour accéder aux fossés. Gabriel avait lui imaginé huit groupes allégoriques symbolisant les vertus de Louis XV-12. Quatre du moins entouraient la statue équestre du roi auquel un beau jour pendit à l'encolure l'écriteau «Oh! la belle statue! Oh! le beau piédestal! Les vertus sont à Pied, le vice est à cheval». Enfin, Louis-Philippe y a greffé l'obélisque comme un phare pour la concorde nationale (1836), comme une idée méditée par C. Malaparte-13 ; JI. Hittorf y a apporté la polychromie des matériaux (1835) et St Laurent, l'habillage du pyramidon en son sommet (1998). A 37 pas de la ville de Brest, la roue tourne... comme l'horloge, le vent, les têtes, le pouvoir ... 

ALLEZ PROUST
Allez Marcel! Laissons la Concorde à ses souvenirs et ses voitures pour rejoindre l’Élysée, séjour des âmes vertueuses et héros-14. Par l'Allée Proust, sinueuse, languide,  mondaine, nous avançons dans le jardin anglais du jeune JC Alphand, polytechnicien à 20 ans, ingénieur civil dans la foulée, il a 23 ans en 1840 quand l'espace est ouvert aux promeneurs.  Il en a 36 quand Haussmann l'appelle en 1853 pour le «Paris Lumières». La boucle est bouclée, itérative: le pouvoir s'affiche géographiquement et chronologiquement de surcroît. Parler de la Place Marcel Dassault à l'endroit du Rond-Point des Champs-Élysées fait certes rapidement sauter ce raisonnement de ses gonds mais la métaphore de pouvoir file si doux au regards des nom de vitrines réfléchissantes celles des  grands manitous de La Défense dans le prolongement de l'Av. de Neuilly dessinée sous Marigny. Avenue Marigny. Théâtre Marigny. Hôtel de Marigny. Marigny par-ci, Marigny par là. Marigny, c'est l'autre pile classique7 du règne de l'enfant sombre du siècle des lumières. 22 ans durant, Directeur Général des Bâtiments de Louis XV (1751-1773), Abel-François Poisson de Vandières, marquis de Marigny est le petit frère de Mme. de Pompadour,  installée par Louis XV au coin de la rue Gabriel en 1753. Heureux de droit mais pas seulement! Prolongateur des Champs donc, par l'Avenue de Neuilly jusqu'à son pont ouvert en 1772, il est aussi avec son mentor A. Coypel, héros du Musée du Luxembourg et sage-femme du néo-classicisme. Face à la grille, les traces au sol de  l'ancienne sortie du jardin serait la marque de la perspective sur la Seine voulue par la Pompadour mais enfin trop de perspectives tue la perspective... Le Cirque d'Hiver n'est plus qu'une rue, Hitorff des colonnes rostrales, la fête, un avertissement du gendarme de garde à ne pas stationner plus longtemps au même endroit :Oust!

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NOTES

1 - Le Bernin: Gian Lorenzo Berminiolo (1598-1680), dit le Bernin, le Cavalier Bernin, peintre, sculpteur, architecte, est la figure de proue de l'art baroque. Invité à Paris l'année de ses 66 ans, il en repart 1 an après en 1665. La sculpture arrivé en 1684 à Versailles représente le divin roi, gravissant la montagne de la Vertu, comme Hercule avant lui, illustrait la légende qui nous dit que la famille royale était issue d’Hercule Gallicus, et Louis XIV en serait la version moderne[réf.souhaitée]. Peu au goût du roi, F. Girardon en reprit l'inspiration en en faisant une métaphore de Marcus Curtius, ce jeune général romain qui se sacrifia aux dieux infernaux pour le bien de sa patrie en s'y précipitant tout armé. Le gouffre dit-on se refera aussi tôt. Wikipedia et « Stéphane Pincas, Versailles, Un jardin à la Française, Editions de la Martinière, p. 43, 1995, Paris. »  

2 - Le roman de la Cours Carrée. http://www.cvld.fr/louvre-le-grand-roman-de-la-cour-carree

3 – Mur Charles V : Le mur de Charles V est visible en sous-sol au niveau des rampes d'escaliers situées de part et d'autre de l'Arche du Carrousel. 

4 – G. Penone, L'Arbre des Voyelles
Moulage en bronze d'un arbre déraciné lors de la tempête de 1999, L'Arbre des Voyelles est une œuvre de l'artiste italien Giuseppe Penone installée en
décembre 1999 dans les jardins des Tuileries. 

5 – Jacques Wirtz: «Deux parterres encadrent des buissons d'ifs taillés dans les règles de l'art topiaire, rayonnant à partir de l'arc de Triomphe du Carrousel (1808) qui commémore les victoires napoléoniennes de 1805 et 1806. Il a été redessiné par Jacques Wirtz au moment de la construction des galeries du Carrousel du Louvre, qui abritent la célèbre pyramide inversée de Pei, de nombreux magasins et un accès au musée du Louvre». http://equipement.paris.fr/jardin-des-tuileries-1795

6 - Hôtel Grimod de La Reynière / Hôtel Saint-Florentin … «Le dernier aménagement sur le plan de l’architecture a été en 1931 la disparition de l’hôtel Grimod de La Reynière, construit en 1775 dans le respect de l’ordonnance de Gabriel, mais défiguré au fil du temps par des adjonctions successives, et son remplacement par l’ambassade des États-Unis dans le respect du projet originel». http://photo.drean.info/?portfolio=place-de-la-concorde / from Wikipedia

7 - Duracell : Antonomase fondée sur le célèbre slogan de la marque de pile Duraacell « Duracell dure plus longtemps que les piles classiques », 1985. 

8 - J.Hillairet (1886-1984): Historien français spécialisé dans l'histoire de Paris. Dictionnaire Historique des Rues de Paris. 
“Les Coustou placés par la volonté de J.L David à l'entrée des Champs sont propriétés de la ville quand les Coysevox sont propriétés de l'état”. 
Anonyme, Promenade anecdotique au Fbg. du Roule, / http://www.apophtegme.com/ROULE/concorde.pdf – p.5

9  - Jacques Réda, Les Ruines de Paris (1977), © Poésie-Gallimard, 1993, p.10-11 - http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/06/jacques-r%C3%A9da-entre-d%C3%A9sastre-et-merveille.html
« Tant bien que mal enfin j’atteins la place de la Concorde. L’espace devient tout à coup maritime. Même par vent presque nul, un souffle d’appareillage s’y fait sentir. Et, contre les colonnes, sous les balustrades où veillent des lions, montent en se balançant des vaisseaux à châteaux du Lorrain, dont tout le bois de coque et de mâts, et les cordes, et les toiles sifflent et craquent, déchirant l’étendard fumeux qui sans cesse se redéploie au-dessus de la ville. Je vais donc comme le long d’une plage, par des guérets. Et sans doute c’est l’indécision du soir qui m’ouvre cette étendue, toujours pourtant mêlée aux pierres et au fracas de Paris. Car en plein jour, surtout dans les mois mal apprivoisés (février, mars, novembre), quand l’air pâlit comme aux lisières des landes et des marais, les rues creusent dans une lueur d’estuaire de sable : à chaque pas va surgir ce miroitement de perle entre des dunes, et le cœur bat, et d’entières forêts qui transhument, stationnent aux carrefours, puis s’éclipsent d’un bond comme la licorne. Sur tous les monuments une sauvagerie élémentaire mais tendre a subsisté. Réfugiée au ciel qui reste le plus sensible de cette terre, elle émeut jusqu’au marbre ignorant des heures et des saisons. Un angle ébloui saute alors en étrave au milieu de ce flot de métamorphoses, hissant avec lui des palais dans la splendeur du premier jour. Des attelages de bronze vert s’envolent ; on sent, perdus entre deux houles antédiluviennes de fougères, les siècles en proie à leur fragilité, et l’espérance humaine écarquillée devant sa solitude. À présent c’est vraiment la nuit. »

10 - Les 8 cités de la Place de la Concorde:  Brest, Rouen, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lille et Strasbourg.
E. Le Cocq, Aids Death Square, https://parissimo.wordpress.com/2009/08/10/aids-deaths-square/
Aids Deaths Square. The Concorde Square is famous for these former names. First called Louis the XV Square, according with the name of the king who decided to arrange the zone, known before 1772 as the “swing bridge esplanade”, because the Tuileries Garden was then separated from the Queen Courtyard by a moat, the place is renamed “Revolution Square” after parisians knocked down the king statue (11/081792). A liberty plaster cast representing the liberty wearing a red phrygian cap and a pick replaced the one of the king horseback. At the end of 1994 summer, when finished the terror time with the Robespierre capital punishment, the square takes the name of “Concorde” as a peace offering between revolution upholders (1795). 1119 people of 2498 have been beheaded in that place. In 1800, the Consulat decided to take away the liberty statue leaving a question-mark about what will succeed to such a political geographic point. The question last until 1826 when Charles X lay the foundation stone of Louis XVI memorial and changed the name of the square with the one of his elder-brother. The 1830 revolution stopped the project and reappoint the previous designation. The year after, Méhémet Ali, the egyptian vice-regent offered two Louxor’s temple obelisks to Louis-Philippe Ist. In the Egyptian mythology, obelisks represented sunbeams turned into stones, something in connection with Ré soul, the egyptian sun-god. The 25th october of 1836, it is erected in presence of 200 000 people and the king family located at the fisrt floor marine ministry. The “pyramidion” that point out the golden pyramid at the top is only from 1998. The rest of the square is arranged by Jacques-Ignace Hittorff according to Jacques-Ange Gabriel concepts. Waterspouts represents marine and rivers sailing as bows boats in each column remember Paris Coat of Arms and the city motto, “Fluctuat Nec Mergitur”: "Water-battered but still standing". « Concorde Square isn’t a square, it is an idea » told about it Curzio Malaparte. The octagon is surrounded by 8 women figures representing french cities: Brest, Rouen, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lille and Strasbourg. The Strasbourg’s one located in the Rivoli street corner was during a long time covered with a black veil when Germany occupied Alsace-Lorraine region. The 1st december of 1993, the world aids day, the obelisk is covered during a very short time in the early morning by a giant pink condom and the place renamed by Act’Up association and his main perfomance partner, the Benetton trademark: Aids Deaths Square! In 2008, 35 million people were HIV positive. 25 millions already died because the virus. Around 7400 people are infected everyday. Src: www.civismemoria.fr : “Le jour où l'Obélisque de la Concorde fut recouvert d'un préservatif géant », Emmanuelle Cosse, 17/07/2008. http://fr.wikipedia.org: Place de la Concorde

11 - L'Hôtel de Crillon est propriété depuis 2010 de la famille royale saoudienne. La famille al-Saoud (Saoudites) règne sur une grande partie de la péninsule arabique. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_de_Crillon

12 - Les huit groupes allégoriques symbolisant les vertus de Louis XV.
Jupiter et la Clémence, Apollon et la Poésie, Minerve et l'Étude, Mercure et la Richesse, Cérès et le Travail, Hercule et la Modération, Mars et la Justice et, enfin, Neptune et la Fortune. 
Médaillons de marbre vert-de-mer, pareil à la console Jacob-Desmalter du Salon des Aides de Camp au Grand Trianon. 
Anonyme, Promenade anecdotique au Fbg. du Roule, / http://www.apophtegme.com/ROULE/concorde.pdf (http://www.apophtegme.com/ROULE/rues.htm)

13 - Curzio Malaparte (1898-1957) : Écrivain, cinéaste, journaliste et diplomate italien. 
Vérification faîte du cadre de sa citation sur la Place de la Concorde, «La place de la Concorde est une idée: ce n’est pas une place, c’est une manière de penser », il convient d'annexer le texte intégral pour noter tant l'anachronisme de sa réutilisation que son intérêt polémique. 
« J’ai fait ce soir une promenade place de la Concorde. Ce n’est pas comme disait Hemingway à l’un de ses amis, « une promenade à la campagne »
La campagne est aussi loin de la place de la Concorde qu’elle l’était de Versailles ; la campagne, cet endroit où les oiseaux sont crus. (Rien ne montre mieux que cette définition combien la noblesse française était éloignée, détachée de la vie des champs.)
La place de la Concorde est la place la plus française qui soit en France. Elle obéit à la même intelligence, au même sens de la tradition, à la même sensibilité qui ont créé, à Rome, la piazza del Popolo. (Là aussi la  même présence des arbres, dont le nom – popolo ne signifiant point peuple, mais peuplier en latin – et sur les pentes du Pincio. Et le nom de l’architecte français, Valadier ; bien qu’il fût romain et papal.)
C’est une place qui obéit à la géométrie, une place cartésienne. Froide, logique, rationaliste, mathématique, avare. C’est le spectre de la France, la radiographie du peuple français.
Quand on y arrive par les Champs-Elysées, on a comme fond de décor, en face le Jardin des Tuileries, à gauche l’hôtel Crillon, le ministère de la Marine, les arcades de la rue de Rivoli. J’ai devant les yeux l’un des paysages les plus typiques de la France.
Et si l’on arrive par la rue Royale, on a devant soi la Chambre des Députés, cette colonnade de pseudo Grèce, cette sorte de Grèce édifiée à l’usage de la bourgeoisie française, et les arbres des Champs-Elysées, l’air du fleuve, les reflets de la Seine dans l’air bleu et gris, dans cet air français qui est si français place de la Concorde.
Mais il faut un art, pour se promener place de la Concorde. Et il me semble, ou je crains, que les Français d’aujourd’hui ne l’aient perdu.
Il n’y avait que les Français à savoir se promener place de la Concorde. A présent, il n’y a même pas eux. C’est un art difficile à pratiquer. C’est un art qui appartient tout entier non au physique, mais au moral, à l’intellectuel. On ne peut se promener place de la Concorde, c’est-à-dire connaître cet art, si l’on a une vue claire de la France, de ce qu’est la France.
J’ai vu Edouard Herriot traverser la place de la Concorde. Il était radical, mais il connaissait cet art, encore qu’il l’ait connu en son déclin, et de façon approximative. Il montrait, en marchant, qu’il savait fort bien que la liberté de la place de la Concorde n’est qu’apparente. Pour tout dire, c’est en réalité une place enserrée entre les murs hauts et invisibles de la tradition, de la logique, de la dignité, des bonnes manières de l’âge d’or de l’esprit français.
On peut être radical, socialiste, républicain de droite ou de gauche, et connaître à peu près l’art de se promener place de la Concorde, mais je doute fort qu’un communiste le connaisse, ou un gaulliste, ou un Action française. C’est une place qui est à l’extrême limite d’une civilisation. Au-delà de cette frontière, c’est la démocratie, la République, le mauvais goût, la confusion. C’est une place inassimilable pour la République. D’un caractère moderne parfaitement raffiné, et intransigeant. De vraiment moderne, en France, il n’y a que la France de Louis XV.
(…)
La place de la Concorde est une idée : ce n’est pas une place, c’est une manière de penser. Et la transformation qui s’est produite chez les français pendant ces quatorze années apparaît justement en ce que, d’une façon désormais évidente, il n’est plus d’harmonie entre cette place et eux ; autrement dit, leur manière de penser n’est plus la même, n’est peut-être plus aussi française qu’avant. Ce qu’est aujourd’hui le Français, je l’ignore. On ne trouve chez lui que peu de trace de ce qui fait aujourd’hui l’Europe, et surtout il y a chez lui un défaut aujourd’hui répugnant, qui était déjà profond chez lui jadis, et qui est le provincialisme.
Autrefois, il n’y avait que lui sur terre, et c’est lui qui était tout : « ils font tout et ne savent rien, ils ne savent rien et font tout », comme disait Alfieri, en exagérant, dans le Misogallo ; le reste de la terre ne comptait pas, et Paris était le nombril du monde. Manière de penser qui était un défaut, et fort grave, dans un monde qui marchait déjà vers l’autonomie à l’égard non seulement de la France, mais même de l’Europe. Il y avait là assurément une forme de provincialisme, de nationalisme petit-bourgeois. A présent, c’est exactement le contraire. A présent, le Français n’est rien, c’est un homme fini, diminué, la France est ruinée, c’est un pays fini, tout le monde, même un Hottentot, vaut mieux que les Français, etc., etc.
Et c’est une autre forme de provincialisme, plus répugnante encore peut-être que celle d’hier. Quand j’entends des propos de ce genre dans le métro, les autobus, les cafés, les salons, moi qui ne suis pas français, qui suis l’étranger, qui suis (et c’est, en France, le plus lourd handicap) italien, je dois lutter de toutes mes forces contre la tentation de faire taire l’imprudent. Pour finir, je le fais, et toujours, et avec n’importe qui ; surtout avec les jeunes, même si ce sont des petites gens, comme souvent il arrive. Et quand je me sens submergé par la lâcheté d’autrui, par cette manie morbide, propre aujourd’hui aux Français, de dénigrer la France, je viens faire une promenade place de la Concorde. C’est là qu’est la France. Et il me semble être dans le ventre de la France comme Jonas dans le ventre de la Baleine.
Curzio Malaparte, « Promenade place de la Concorde », extrait du Journal d’un étranger à Paris, Paris, Denoël, 1967 (Diario di uno straniero a Parigi, Florence, Vallechi, 1966), pp. 35-40.

Reproduction intégrale de « Promenade place de la Concorde », telle que parue en septembre 2010 dans le 6ème numéro de Criticat, revue critique d’architecture. http://politiconoclaste.blogspot.fr/2012/04/sarkozy-aurait-du-lire-malaparte-avant.html
Réf : « Enfin, Louis-Philippe y a greffé l'obélisque comme un phare pour la concorde nationale (1836), comme une idée méditée par C. Malaparte »

14 - Champs-Élysées : Victor Hugo, L'Homme qui rit, Le Livre de Poche, Notabene 2 p.418 :«Dans la mythologie gréco-latines des Enfers, séjour des âmes vertueuses et héros.»

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